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Présentation

Professeur d'histoire-géographie depuis la rentrée 2004, j'enseigne depuis 2008 dans un collège du Pas-de-Calais, je suis chargé d'enseignement en histoire contemporaine à l'université de Lille et membre affilié de l'IRHiS.

Docteur en histoire contemporaine de l'Université de Bourgogne, je suis membre du bureau de la régionale Nord-Pas-de-Calais de l'Association des Professeurs d'Histoire et de Géographie et membre du Conseil d'administration d'Historiennes et historiens du contemporain (H2C). Je suis également membre de la Société française d'histoire politique.

Je suis aussi membre de la Commission exécutive de la CGT Educ'action du Pas-de-Calais, du Secrétariat de rédaction de la revue La Pensée ainsi que du comité de rédaction du Patriote Résistant.

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Publié par David Noël

Noël, la naissance de Jésus. Dans nos sociétés occidentales, il est devenu tellement évident que nous célébrons chaque année à Noël la naissance de Jésus de Nazareth, appelée Nativité, que nous en oublierions presque les origines païennes de la fête de Noël. Et pourtant... Petit retour en arrière.

La célébration de Noël à la date du 25 décembre, le jour de la saint Emmanuel, a été fixée tardivement dans l'empire romain d'Occident, vers le milieu du IVe siècle. La royauté du Christ n'étant pas de ce monde, certains  Pères de l'Eglise, comme Origène (185-253) refusent de célébrer cette naissance ainsi qu'on le faisait à l'époque pour un souverain temporel (roi, empereur, pharaon, reine).

Avant de la placer à la date d'une célébration solaire liée au solstice d'hiver, plusieurs dates furent proposées : 18 novembre, 6 janvier... Le 25 décembre marquait depuis le règne d’Aurélien (vers 270) l'anniversaire du Sol Invictus et de la renaissance annuelle de Mithra, dieu solaire qui lui était associé. Cette date du 25 décembre correspondait également à la fin de la fête des Saturnales.
 
Les Saturnales (en latin Saturnalia, ium, n) étaient, durant l’Antiquité romaine, des fêtes accompagnées de grandes réjouissances, célébrées en l'honneur du dieu Saturne, pendant lesquelles les esclaves jouissaient d'une apparente liberté et où tout était permis.

D’abord du 17 au 21 décembre, puis plus tard du 17 au 24 décembre, cette fête de la liberté inversait l’ordre des choses et pendant un temps, les esclaves devenaient les maîtres et inversement. On suspendait des figurines au seuil des maisons et aux chapelles des carrefours. On servait du cochon de lait dans des banquets qui donnaient lieu à de véritables ripailles... comme notre réveillon de Noël !
Les cadeaux de Noël, sous forme d'étrennes, semblent être un lointain souvenir des cadeaux effectués lors des fêtes saturnales de décembre, les strenae.

Mithra est un dieu indo-iranien, fils d'Anahita, dont le culte connut son apogée à Rome vers le IIIe siècle de notre ère.

Le mithraïsme était alors une religion concurrente du christianisme. Son culte était surtout très populaire dans les armées. Religion initiatique à mystères, le mithraïsme rend un culte au taureau. Les temples consacrés à Mithra représentent un fond étoilé avec les constellations connues à l'époque avec précision.

Mithra, qui s'est créé lui-même à partir de la roche des cavernes, est à la fois primogenitus et autogenitus. Son premier exploit, la tauroctonie, fut de vaincre, à peine né, un taureau aussi furieux que puissant.

Lors de l'initiation, les adeptes, au cours d'agapes, s'aspergeaient du sang du taureau sacrifié et se traçaient réciproquement une croix de cendres sur le front et le dos des mains. Le myste descendait probablement dans une fosse au-dessus de laquelle était sacrifié l'animal, son sang retombant ainsi sur lui. Le rituel se déroulait dans des lieux à l'écart et de préférence dans des grottes.

Le culte de Sol Invictus, associé à celui de Mithra, est plus tardif. Il apparaît seulement au IIIe siècle, à un moment où la religion traditionnelle était en crise. Sol Invictus (en latin, "Soleil Invaincu") était une divinité solaire qui reprend des aspects de la mythologie d'Apollon et du culte de Mithra et a connu une grande popularité dans l'armée romaine.

L'empereur Aurélien (270-275) lui assure une place officielle à Rome et proclame que le Soleil Invaincu est le patron principal de l’Empire romain et fait du 25 décembre (jour suivant le solstice d'hiver) une fête officielle, le Dies Natalis Solis Invicti. Par la suite, Natalis a donné Natale en italien et Noël en français.

Un temple est dédié au Soleil au Champ de Mars, et orné du butin rapporté de Palmyre ; ce temple est servi par un nouveau collège de prêtres, les Pontifices Solis. Aurélien fit du culte de Sol Invictus une sorte de religion de l'État (et non une religion d'État), se substituant au culte impérial tombé en désuétude, dans une religion qui reste fondamentalement polythéiste.

La création du culte du Sol Invictus s'explique par des motifs politiques et idéologiques. A la suite de la crise du IIIe siècle, l'empire était au bord de la dislocation. L'empereur Aurélien, vainqueur de Zénobie et restaurateur de l'ordre, décida d'instaurer un culte commun à tout l'Empire afin de renforcer le lien commun entre les provinces : en effet chaque cité, chaque province, restait attachée aux cultes locaux, dont les rites et les formes pouvaient varier considérablement. Ce nouveau culte devait être pour cela suffisamment neutre pour être accepté par les différentes populations de l'empire romain.

Ce nouveau culte fut mal accueilli par les milieux conservateurs romains (tels que les rédacteurs de l'Histoire Auguste), attachés à la religion traditionnelle romaine et méfiants envers ce nouveau venu qu'elle assimila pour le discréditer à Élagabal qui avait tant choqué. En effet, ce nouveau culte, construction intellectuelle savante à visée politique, présente en fait bien peu de points communs avec Elagabal, culte local syrien entouré d'un folklore oriental (culte d'un bétyle, prostitution sacrée, transfert des reliques et statues les plus sacrées de Rome).

Cette religion du Soleil Invaincu s'adressait davantage aux militaires qu'aux civils, qui ne faisaient guère que suivre le mouvement, et elle fut, de fait, très répandue dans les milieux militaires. Si elle n'est pas particulièrement mise en avant par la propagande impériale de Dioclétien (284-305) et de la Tétrarchie (293-306), on voit qu'au début du IVe siècle elle était toujours vivace dans l'armée puisque l'empereur Constantin Ier (306-337), fervent adorateur de ce dieu, fera frapper sur les monnaies la légende « Soli Invicto Comiti », « Au Soleil Invaincu qui m'accompagne ». C'est lui qui, par une loi du 7 mars 321, fera du « Jour du Soleil » (c’est-à-dire le dimanche) le jour du repos hebdomadaire (Code Justinien 3.12.2).

Pour des raisons symboliques, et dans un souci de christianiser les anciennes fêtes païennes, la date du 25 décembre fut progressivement étendue à tout l'occident latin. Au milieu du IVe siècle, le christianisme, soutenu par les empereurs, est encore minoritaire dans l'empire romain et il n'est pas question d'interdire les cultes païens. Les cultes païens sont maintenus, au moins jusqu'au règne de Théodose, mais les grandes fêtes qui rythmaient le calendrier religieux romain changent de sens.

Aujourd'hui encore, tous les chrétiens ne fêtent pas Noël le 25 décembre. Les Églises orthodoxes, qui suivent toujours le calendrier julien, célèbrent Noël le 6 janvier, mais seule l'Église apostolique arménienne a conservé la date précise du 6 janvier comme jour de la fête de Noël.

Pour l’Eglise catholique, le 6 janvier devient la fête de l'Épiphanie. Les catholiques célèbrent la manifestation de Jésus, le Messie dans le monde. En France, puisque ce jour n'est pas chômé, elle est souvent reportée au dimanche suivant ou anticipée au dimanche précédant. Épiphanie est un mot d'origine grecque, Ἐπιφάνεια Epiphaneia qui signifie « manifestation » ou « apparition » (du verbe φάινω phainô, « se manifester, apparaître, être évident »). La fête s'appelle aussi Théophanie qui signifie « manifestation de Dieu ». Cet ancien nom subsiste aujourd'hui dans le prénom féminin Tiphaine (en anglais Tiffany).
La fête était à l'origine, jusqu'à la fin du IVème siècle, la grande et unique fête chrétienne de la manifestation du Christ dans le monde : incarnation, Nativité, manifestation par la venue des mages, manifestation par la voix du Père et la colombe sur le Jourdain, manifestation par le miracle de Cana. Depuis l'introduction d'une fête de la Nativité (Noël) le 25 décembre pour les raisons que l'on a vues, l'Épiphanie s'est spécialisée de façons diverses selon les confessions et a adopté des sens variés.

Pour les catholiques, cette fête célèbre la visite de l'enfant Jésus par les mages, couramment appelés les Rois mages : Gaspard, Melchior et Balthazar. La venue des Rois-Mages ne figure cependant dans aucun Evangile. Seul l'Evangile de Matthieu évoque la visite de mages venus rendre hommage à Jésus et le reconnaître comme le Messie. L'épisode des Rois-Mages, cité dans des Evangiles apocryphes va être surtout développé au Moyen-Age. Les noms de Gaspard, Melchior et Balthazar apparaissent pour la première fois dans un texte du VIe siècle !

Dans certains pays, la célébration liturgique de la fête est reportée à un dimanche pour permettre aux gens de célébrer la fête dans les cas où ils doivent travailler le 6 janvier si ce jour n'est pas férié. Ainsi, en France, cette fête est célébrée le deuxième dimanche après Noël. En Espagne, la célébration de l'Epiphanie est particulièrement importante, le jour en effet est férié. La tradition veut que l'Épiphanie soit l'occasion de « tirer les rois » : une figurine est cachée dans une pâtisserie et la personne qui obtient cette fève devient le roi de la journée. Une inversion des valeurs qui trouve son origine dans les Saturnales antiques : au cours des Saturnales, les Romains élisaient en effet le roi du festin au moyen d'une fève !

Eh oui, nos fêtes chrétiennes les plus connues trouvent leur origine dans la Rome antique et dans d'anciens cultes païens, mais que cela ne vous empêche pas de faire la fête et de manger des galettes !

Sources :
Articles Noël, Epiphanie, Mithra, Saturnales, Sol Invictus de l'encyclopédie libre Wikipedia
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